Chère inconnue,
Il faut se rendre à l’évidence
Que mon humour ne vous touche guère,
Voir vous irrite…
Accepterez-vous l’idée
Que notre façon de nous exprimer
Peut être différente,
Bien que nous invoquions probablement, malgré tout,
Des espoirs de lendemains plus lumineux
Qui ne sont pas très éloignés?
Nos histoires sont différentes,
Et, même si nous avions des envies qui se ressemblent,
Nos cultures personnelles
Nous feraient les vivre et les dire autrement.
Les origines de nos combats
Ont sans doute des racines éloignées,
Mais qui peut dire
Si nous n’aspirons pas aux mêmes chemins?
La tolérance n’est-elle pas le premier pas
Qu’il faille franchir
Pour s’engager sur celui de la paix?
Ne faut-il pas, parfois, oublier ses propres colères
Pour écouter ce que veulent dire celles de l’autre?
Bien sûr, vous me direz, et vous aurez raison,
Que la tolérance à ses limites,
Je sais cela aussi…
Nos blessures ne se ressemblent pas,
Peut-être les vôtres sont-elles plus profondes,
Plus visibles et plus douloureuses,
On ne les choisit pas,
Même si parfois on va au-devant de blessures prévisibles…
On ne les choisit pas,
Je n’ai pas connu ces saignements
Qui inondent de vermeil les champs de batailles,
Et mes luttes intérieures peuvent apparaître dérisoires,
Face aux désastres humanitaires,
Je sais cela parfaitement.
L’injustice est, en ce bas monde,
Ce qui me révolte le plus,
Je suis de ces utopistes
Qui s’imagine que si l’homme était plus sensé,
Il s’apercevrait facilement
Que l’on peut diminuer et de beaucoup
L’écart entre les plus défavorisés et les nantis.
Mais, l’injustice ne commence-t-elle pas,
Dans les niveaux les plus ordinaires,
Là où l’on oublie, drapé dans ses convictions
Et dans une sorte d’indifférence,
De répondre à un sourire furtif,
A un clin d’œil timide?
Je n’ai chère inconnue aucune leçon à donner,
Je regarde passer le monde,
Je tente d’en faire partie,
Je suis plein de ces défauts inhérents à la race humaine,
J’en suis conscient et parfois affligé.
Parfois nos propres souffrances
Nous aveuglent tant
Que nous en arrivons à dédaigner
Des gens qui ne le méritent pas,
Sur de simples a-priori,
Coincés que nous sommes
Par des étalons références
A nos convictions les plus rigides
Et nous commençons à diviser le monde !
Nul doute que je n’échappe à la règle…
Mais je ne revendique pas
D’être quelqu’un de bien,
Je me laisse aller,
J’échange, je flatte avec sincérité,
Je fustige de temps à autre,
Mais, je suis toujours prêt
A rejoindre mes solitudes,
Pour y ruminer sur les manques d’attention.
Je n’attends plus rien à ce jour,
Mais j’espère encore et toujours.
Je tente de quitter mes habits d’amertume
Pour des vestiaires que j’espère sans brume.
L’être humain ne parvient pas à se convaincre
Qu’il n’est en guerre qu’avec lui-même,
Et se détruit en négligeant les écho-systèmes
Qui sont la clé de sa survie!
Il m’arrive d’avoir la haine
Pour les passagers de cette bagnole devant moi,
Qui, désinvoltes et inconscients
Balancent par la fenêtre leurs déchets,
Ils ne savent pas, ou ne veulent pas savoir,
Qu’ils sont les premiers maillons de leur propre destruction…
Voilà! Je pourrais vous écrire encore des heures,
Peut-être en pure perte… qu’importe…
Je ne vous demande rien,
Rien de particulier,
Je ne vous offre rien,
Rien de très original,
J’écris avec mes émotions anodines,
Celles liées à ma propre vie,
Mais aussi celles issues de vos douleurs
Quand elles percutent mon cœur.
Nous nous croisons chaque jour sans le savoir,
Et ne nous rencontrerons probablement jamais,
Peu me chaut d’être aimé de vous,
De vous ou bien encore de vous,
Même si ce n’est pas désagréable,
Ce qui m’importe c’est de pouvoir vous aimer, vous,
Vous ou bien encore vous…
Je pourrais encore écrire des heures,
J’aurais pu aussi me contenter d’une phrase,
Mais puis-je me contenter d’un “paix sur terre”
Quand des gens sont en prison
Sans aucune raison,
Alors que d’autres libres de mouvement,
Se suspectent de trahison
Sans motif évident…
Chacun garde sa liberté de communiquer,
Encore faut-il essayer de rester cohérent,
Ne pas rejeter ou ignorer sans réel motif,
Comme dans une réaction de caprice.
Certain(e)s ont l’avantage de la jeunesse,
D’autres celui de l’expérience,
Beaucoup de leurs espoirs sont derrière eux,
Mais de nouveaux sont en route,
Forgés à coups de dérision,
Pour neutraliser les démons,
Des espoirs prêts à éclore,
Pour peu que vous les arrosiez…
Ce n’était rien…
Rien qu’une main tendue vers l’univers
Au-delà des pensées les plus amères.
Il m’arrive de pleurer sur un mot reçu,
Ou sur l’absence de celui-ci.
Harry Steed (Mai/Juin 2005-extrait de “Lettres confidentielles”)