Le Poulidor du sexe.

Longtemps il s’ est contenté d’accessits,

Longtemps il n ’a caressé que du regard

La belle croupe promise au vainqueur…

 

Il se souvient de cette jeune étudiante

Aux yeux de biche apprivoisée

Qui l’ invitait à faire ses courses

Et ensuite… à porter celles-ci jusqu’au café

Où l ’attendait son viril soupirant,

Celui qui ne portait pas ses sacs

Mais avait le droit de la caresser

En l’ embrassant à pleine bouche,

Pendant que lui, éternel second

L’ œil dans le fond de son rhum-citron

Délirait sur ce baiser posé sur sa joue

En guise de remerciement.

De rhum en rhum,

L’ autre œil dans un strabisme divergeant

Déshabillait l’ inaccessible acheteuse.

Les biches apprivoisées sont un leurre

Mais, sans le savoir,

Il emmagasinait pour le futur.

 

Souvent, il a eu en main

De quoi faire figure de vainqueur

Mais il y avait, parfois, un incident de parcours,

Et plus souvent un manque d’ audace

Face à de véloces coursiers expérimentés

Qui le voyaient échouer avec le sourire

Au moment de conclure.

Comme si la popularité

Avait plus d ’importance

Qu’ une éphémère étreinte,

Du moins le pensait-il

En guise de lot de consolation.

 

Il se souvient de cette pulpeuse batave

Aux yeux verts, aussi profonds que sa gorge

Avec qui il passait des bouts de nuit à discuter

A la table du bar fermé d’un camping de la Costa del Sol,

Elle semblait aimer sa compagnie

Et lui disait “au revoir mon frère”

Avant d’aller s’ envoyer en l’air

Avec des moins causants mais plus délurés

Pendant que lui, d’un gros pétard

Se forgeait un sourire optimiste

En se disant que…peut-être demain

Il franchirait en vainqueur

La ligne humide de son intimité,

Bien qu’on ne folâtre pas avec son frère

Les sœurs même fictives sont intouchables

Mais, sans le savoir

Il emmagasinait pour le futur.

 

Combien de fois,

Alors qu’ il avait fait le gros du travail

Pour provoquer l’ échappée décisive,

Un suceur de roue sans scrupule

L’ avait débordé dans l’ emballage final.

Quand il en gagnait une,

C’ était une de ces courses secondaires

Pour des bouquets déjà fanés…

 

Maintenant il ne court plus

Ou, dans des compétitions pour vétérans.

A l’ heure qu’il est, il a compris

Et bien qu’il soit incapable de l’ appliquer

Il connait la technique du vainqueur.

N’empêche, Jacques Anquetil est mort

Et Poulidor baise encore

 

Harry Steed (Mars/Mai 2006-extrait de “carnets de torts et de raison”)

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